L'abstention à une élection législative partielle est habituelle. Elle a atteint un niveau record ce dimanche dans la première circonscription de l'Essonne où s'affrontaient Farida Amrani de la France Insoumise et Francis Chouat de LREM, ce qui révèle une crise démocratique sans précédent.
La raison de ce désintérêt est clair : depuis l'élection d'Emmanuel Macron à la présidence de la République en 2017, deux phénomènes se conjuguent :
- une majorité présidentielle écrasante en nombre applique ses réformes à marche forcée par ordonnances
- une opposition parlementaire muselée résiste sans pouvoir infléchir les décisions du gouvernement
Cela est d'autant plus désespérant, que le président de la république élu en 2017 n'a bénéficié du soutien que d'un quart des votants seulement et que ses réformes transfèrent un pognon de dingue des plus modestes très nombreux, aux riches ultra-minoritaires.
Les électeurs peuvent légitimement se demander à quoi servirait, pour eux-mêmes, une 18è députée dans l'opposition qui n'a aucun pouvoir, ou d'un 308è député dans une majorité déjà omnipotente. Cela sans considérer le renforcement d'une opposition qui, à 17 députés, fait un travail titanesque qui aurait bien mérité du renfort pour préparer le moyen terme, l'accès au pouvoir, ni les moyens alloués nécessaire à l'égalité des représentations nationales.
Rappelons que dans cette circonscription, l'abstention avait déjà été plus élevée que la moyenne française lors des législatives 2017. En cause, une pratique clientéliste illégale instaurée par le richissime M. Dassault, grand acheteur de voix.
La Vè république est révolue. Elle était taillée pour des présidents qui rassemblaient 70% des électeurs, ce qui n'est plus le cas depuis longtemps. Et surtout le gouvernement qui en découlait n'utilisait pas les ordonnances qui ont été détournées de leur usage par le gouvernement Macron-Philippe.
La VIe République, édifiée par une Assemblée Constituante, à savoir le peuple qui débat partout en France, dans chaque famille, dans chaque association, dans chaque syndicat, dans chaque secteur économique et social, de la Constitution et fait ses propositions soumises au référendum répond à cette urgence démocratique. Cette proposition est contenue dans le programme l'Avenir en Commun.
Le jour du premier tour de la législative, les Gilets Jaunes ont manifesté dans toute la France pour la première fois. Ce mouvement est apparu comme une réaction à l'augmentation de la taxe carburant, goutte d'eau qui a fait débordé un ras le bol latent. Les manifestants appartiennent tous à la France d'en bas, celle qui n'arrive pas à joindre les deux bouts le 15 du mois et qui n'a pas besoin d longs discours pour se comprendre. Ils remettent en cause également leur éviction du pouvoir de décision politique, leur non représentation.
Les revendications suivent deux axes :
- le pouvoir d'achat malmené par des mesures autoritaires contre les gens d'en bas : blocage des salaires et des retraites, attaques des allocations (APL, AAH) et augmentation des dépenses notamment de l'énergie (chauffage et transport) alors que dans le même temps, pour le même montant d'impôts, des services publics disparaissent ou s'éloignent.
- la vie démocratie : démission ou destitution de Macron, dissolution de l'Assemblée Nationale, Assemblée citoyenne, le pouvoir au peuple, le référendum,...
Autant dire que les Insoumis se retrouvent en gilet jaune ! D'abord parce qu'ils sont parmi les victimes du programme anti-social du gouvernement, ensuite parce que les revendications portées, il les ont défendues lors des présidentielles et législatives... et coté représentation sur 17 députés France Insoumise au parlement il y a une aide-soignante (Caroline Fiat), un député travaillant sur un plateau téléphonique (Adrien Quatennens), un père de famille au RSA (Jean-Hugues Ratenon), un enseignant au collège (Alexis Corbière),...
C'est dans ce contexte d'un soulèvement populaire que les électeurs de la première circonscription de l'Essonne ont envoyé un 308è député LREM à l'Assemblée quand il y en avait déjà trop pour nous assommer de mesures anti-sociales.
Farida Amrani et son suppléant Ulysse Rabaté se sont qualifiés pour le second tour derrière Francis Chouat.
L'alliance EELV-PS menée par Eva Sas a refusé d'appeler à voter pour la candidate de la France Insoumise, dont le programme écologiste a été pourtant salué par de nombreuses ONG. Silence radio pour Yannick Jadot, tête de liste EELV aux Européennes.
Pour limiter les dégâts que cette position pouvait occasionner pour leur propre parti, Noël Mamère puis Ester Benbassa se sont fendus d'un soutien qui commençait par : "Malgré les désaccord que je peux avoir avec la FI, ...". Ah! ... ça fait envie! De plus nous avons là des gens qui appellent à voter pour un mouvement avec lequel ils affichent un différend programmatique. C'est tordu!
On a connu des temps où l'engagement avait ses mots justes et ses comportements authentiques.
Les électeurs ne peuvent pas adhérer à des alliances d'étiquettes fausses.
Malgré les désaccords que je peux avoir avec la #FI, je voterai en #Essonne @Farida_Amrani_, courageuse, investie, sincère. Non à l'abandon de cette circonscription humiliée par le départ de Valls à 1 alliance LREM/LR n'ayant que faire de l’écologie et des inégalités sociales.
— Esther Benbassa (@EstherBenbassa) 19 novembre 2018
La tentative d'Olivier Faure, premier secrétaire du Parti Socialiste, de négocier son soutien en échange d'une réciproque aux scrutins suivants à échoué. Pas de cuisine politicienne. Les accords ou alliances ne peuvent se faire que sur un programme, pas sur des postes. A bas l'ancien monde et sa crise éthique.
Ainsi, avec une crise démocratique et une crise de la gauche conjuguées, le 24 novembre, un 308è LREM a été envoyé au parlement renforcer le pouvoir démesuré de Macron.
Trois jours après, le président de la république nous livre un discours digne d'un despote qui refuse de satisfaire les revendications du peuple, de la majorité, de cette majorité qui n'est plus silencieuse et qui manifeste chaque jour, partout en France, et n'entend pas changer de cap sur ses revendications. Une belle confrontation en perspective !
Chaque jour depuis le 17 novembre sur la tCôte basque, il y a au moins une opération péage gratuit. Face à une Président de la République sourd aux revendications et incapable de changer de cap, le mouvement des Gilets Jaunes est parti pour durer. Les samedis 1er et 8 décembre, des actions d'envergure sont déjà prévues.